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Marmite Basse-cour et Petits Pas
17 février 2010

Extrait de "Ce que vivent les hommes"

Tableau 4

Ce tableau est écrit de manière incomplète. Il dépendra en partie de la configuration de la structure de décor.

La scène est presque entièrement recouverte d’un rideau rouge, exceptée la brocante de Garance. Il y a juste un passage fait de planches. La brocante est comme un bateau sur lequel sont embarqués Marcello, Franca Rame, Imogène, Ningéis Dozué, Archibald, Garance et la vieille dame. Ils ont très peu d’espace.

Ils sont vêtus aussi chaudement que possible. Ningéis Dozué s’adresse au public.

Ningéis Dozué : Voilà, c’est fini. C’est l’épilogue. Carmen n’a pas dansé. Elle est partie. Pour tenter d’oublier et de vivre. Méphistophélès est parti, lui aussi. A la recherche d’autres failles, d’autres proies. Je me suis plusieurs fois demandé ce qu’il advenait des gens qui perdaient tout ? Ce qu’il advenait d’eux après que leurs larmes se soient asséchées, que leurs cris se soient tus. Eh bien, nous y voilà.

Heureusement qu’il y a toujours quelqu’un qui rit et chante dans le malheur, qui lui donne le goût triste et amer du supportable. Il faut le chérir et le remercier, sa force est précieuse. Nous le savons bien, nous qui tombons souvent. Je me croyais libre, revenu de tout, protégé des malheurs du monde parce que au-dessus de lui, immortel dans les limbes bleues. Je me trompais encore et encore. C’est pour cela que je suis vivant.

Marcello : Oh, Monsieur l’écrivain, arrêtez de parler tout seul et aider plutôt Garance.

Franca Rame : Faites attention ! Bientôt cet amas de planches ne tiendra plus.

Marcello : (Il a pris une longue-vue) Nous nous éloignons de plus en plus. On distingue à peine l’autre rive.

Franca Rame : Marcello, arrête. Nous n’avons presque plus rien et toi, tu t’amuses.

Marcello : Ne trouvez-vous pas, Imogène que notre place ressemble à un bateau ?

Imogène : Au radeau de la méduse.

Dozué : Oh, oh, oh, vous entendez, la mémoire revient à Imogène. D’ailleurs, profitons en pour faire une leçon de mémoire. Prenez la chouette n°1 Imogène.

Imogène : Celle-là ?

Dozué : Oui, oui, allez-y.

Imogène : C’est Archibald qui me l’a offerte. Archibald, il va partir. Autrefois il était chanteur dans un opéra. Il était ténor et quand il chantait toutes les maisons de Milan tremblaient. Il habite la place depuis quelques mois. Il s’est arrêté ici.

Dozué : (Il montre une autre chouette) Et celle-ci ?

Imogène : Celle-ci, c’est lui (Elle montre Marcello) qui me l’a offerte. Il s’appelle Monsieur Dubroc…

Dozué : Marcello…

Imogène : Oui Marcello. Et il est Italien. Son père était comédien  dans les foires. Il faisait des farces et des pirouettes. Il se déguisait et il donnait des coups de bâtons.

Dozué : C’est çà. C’est çà. Et toi qui es-tu ?

Imogène : Imogène. Avant j’étais concierge. Mais mon immeuble est tombé au fond d’une faille et maintenant, j ‘ai plus d’immeuble. Je suis sur un bateau qui part sur la mer.

Franca Ramé : Non, Imogène.

Dozué : Si, laissez la dire. Elle n’a pas tout à fait tord.

On entend un cri. C’est Françoise qui s’approche.

Françoise : Oh! Oh!

Marcello : Oh, Françoise!

Archibald : Alors ?

Françoise : C’est terrible. Ca craque de partout. Il y a des failles partout. On est comme dans des îles. Un archipel d’îles. Les gens mettent des ponts. Mais ce n’est pas possible partout. Sans compter qu’il y a des ponts qui ont cédé sous le poids.

Archibald : On peut passer ?

Françoise : A peu près partout, mais si la faille continue, on sera tous séparés. Y’aura plein de petits icebergs.

Franca Rame : Eh bien!

Françoise :  Je vous ai apporté un peu de nourriture et vous avez un colis avec une lettre.

Marcello : Une lettre? C’est une lettre de Carmen et d’Hyppolite. Lisez Monsieur Dozué.

Dozué : Cher Marcello. D’abord, tu donneras le bonjour à tout le monde. Nous allons très bien. Nous avançons vers le nord. La progression est difficile mais nous finissons toujours par trouver un passage. Nous avons du courage. Nous avons trouvé une chouette pour Madame Imogène. Portez-vous bien Au revoir. Carmen et Hyppolite.

Pendant ce temps, Garance a installé la nouvelle enseigne: « Café brocante chez Garance et Marcello »

Garance : Alors, qu’est-ce que vous en pensez ?

Marcello : Ce nouveau magasin mérite bien une inauguration et c’est moi qui régale. Un petit alcool qui vous réchauffera.

Archibald : Il est temps que je parte.

Franca Ramé : Es-tu sûr de  devoir partir ? On n’est pas obligé de mener les combats perdus d’avance.

Archibald : Les combats perdus d’avance aujourd’hui préparent les combats gagnés de demain. Et puis on ne sait jamais. Avant de partir, j’ai quelque chose pour vous. Quelque chose de simple. C’est une musique. Elle vous appartient. Donnez-là à l’accordéoniste. Mais seulement quand je serai parti. Seulement quand je serai parti.

Marcello : Adieu Archibald.

Archibald fait un geste de la main. Il s’en va. L’accordéoniste commence à jouer. C’est la danse du renouveau. Petit à petit, Marcello, Franca Ramé, la vieille dame, Imogène, Françoise, Garance, Monsieur Dozué descendent sur l’espace, font disparaître le tissu rouge et dansent.

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